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Sois libre de te montrer tel(le) que tu es

Les complexes physiques, on en parle oui ou oui ? 

Vous est-il déjà arrivé de suivre une élection de reine de beauté à la télévision ? Ou encore une publicité où les personnages étaient tellement parfaits (selon les normes physiques imposées par la société) que vous vous êtes senti hyper moche ? Eh bien moi, oui !

Pour la petite histoire, lorsque j’étais au CE, j’avais une idée précise de ce que je voulais faire comme métier à l’âge adulte. A chaque fois que la question m’étais posée, je répondais : « Je serai miss Togo ». Pour me préparer, j’aimais bien défiler avec mes petites copines, reproduisant la démarche des candidates aux élections de miss. Mais mon rêve s’est écrasé la gueule la première lorsqu’une de mes cousines à qui j’avais refusé de prêter ma poupée « dona benja » m’a dit ce qu’elle pensait réellement de moi. « Tu ne seras jamais miss siaaa. Avec le trait sur ta joue là, tu crois que les miss ont des plaies sur le visage ? Tu es vilaine ! Tu es méchante ! Je ne jouerai plus avec toi et quand tu auras un enfant plus tard, il aura le bras tordu parce que tu n’es qu’une égbitéto (avare) ».

Eh oui, les enfants peuvent être vraiment méchants quand ils s’y mettent ! En même temps, je l’avais un peu cherché, l’avarice n’est pas une qualité. Ce fut la première fois que j’accordais de l’importance à cette cicatrice que portait ma joue. Je harcelais dès lors ma mère nuit et jour pour savoir ce qu’était cette marque et pourquoi elle ne disparaissait pas. Elle en eu marre, un jour, de m’entendre en parler à chaque fois que je voyais mon reflet dans un miroir, et m’avoua que ce n’était pas une cicatrice de blessure mais une scarification que je portais.

Par Sandro CAPO CHICHI

Les scarifications

Le mot vient du latin : scarificare, qui signifie « inciser ». La scarification est une pratique consistant à effectuer une incision superficielle de la peau humaine. Elle peut être socio-culturelle, médicale ou un acte d’autoflagellation. Ce qui nous intéresse ici, c’est la scarification socio-culturelle. Elle a une origine ancienne. On la trouve couramment pratiquée en Afrique (particulièrement en Afrique de l’Ouest) où elle a remplacé le tatouage qui se distingue mal sur les peaux sombres. La scarification socio-culturelle revêt une signification particulière, rituel de passage à l’âge adulte ou appartenance à un groupe restreint. Dans certaines tribus, elle est une sorte de pratique de beauté. J’ai même entendu dire que cette pratique est née au temps de l’esclavage. Au sein de certaines communautés noires, on se scarifiait volontairement parce que selon les rumeurs, les négriers refusaient d’acheter des noirs scarifiés.

Elle s’effectuait à l’aide d’outils coupants tels que des morceaux de pierre, de verre, de coque de noix de coco, de couteaux.

Que ressentent les personnes qui portent des scarifications ?

Je ne saurais parler pour les autres. Mais je sais ce que j’ai ressenti pendant toutes ces années. Je me suis sentie différente des autres enfants qui ne portaient pas de scarifications et qui se moquaient de moi en disant que je me suis battue avec un chat qui m’avait griffé le visage. Je me suis sentie moins aimée de mes parents parce qu’il n’y avait que moi dans la fratrie qui portait une scarification. Je me suis vu refuser un rêve. Vu sous cet angle, cela peut sembler dramatique mais c’est la triste vérité. Face aux dictats de la société en matière de beauté, je ne faisais pas le poids. Je ne me sentais tout simplement pas belle. Cela peut paraître paradoxal car dans certaines tribus, la scarification est une pratique de beauté. Je l’aurais peut-être vu sous un angle différent si j’avais moi-même choisi me faire scarifier.

As-tu choisi de naître avec une peau foncée, avec une petite poitrine, avec un nez imposant… La liste est longue. Les complexes naissent de ces choses qu’on aurait voulu avoir ou pas si on avait eu le choix. Mon complexe à moi, c’est cette scarification que je porte sur la joue. Avant, je le vivais vraiment mal, jusqu’à ce que je me rende compte que les gens qui me côtoyaient avec le temps, ne voyaient plus cette marque mais qu’ils me voient moi telle que je me montre à eux.

Quel est ton ou tes complexes à toi ? Ta taille ? Ta morphologie ? La couleur de ta peau ?  Ta dentition ? Laisse-moi te poser une question que je me pose depuis un moment déjà : sur quelle base jugeons nous que tel nez est top gros ? Que telle peau est trop foncée et telle poitrine trop petite ?

Si, comme moi, tu ne trouves pas de réponse à cette question, alors sens-toi à l’aise de te montrer comme tu es.

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Roger ANI
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Aujourd'hui, avec les campagnes pour le respect des droits des enfants, la scarification est de moins en moins pratiquée en Afrique. Elle a toujours été considérée comme une marque d'appartenance ethnique ou un rite de passage.

Dans les villages, les enfants dépourvus de cicatrices ont longtemps fait l'objet de moqueries au sein des écoles. Aujourd'hui, à l'inverse, cette tradition est considérée comme une pratique, tantôt barbare, tantôt rétrograde. Moqueries en cas d'absence de cicatrices durant l'enfance, puis moqueries engendrées par ces scarifications en zone urbaines.

À mon avis, je pense que tout dépend de l'environnement dans lequel nous nous situons. Entre fierté et embarras, chacun vit ses scarifications d'une manière différente.

Cet article a le mérite de conduire à un changement de mentalité, non seulement, dans la façon dont nous regardons les autres, mais aussi et surtout l'image que nous avons de nous-mêmes, dans une société dans laquelle le regard des autres est sans cesse pesant. S'accepter, reprendre confiance en soi et ne plus se focaliser sur ses supposées imperfections.

Telesphore Sekou Nassikou, rédacteur en chef d'une chaine de radio au Bénin disait que, les scarifications transmettent un message très profond: « Prenez garde, la douleur existe dans le monde, et vous allez avoir souvent mal dans le cours de votre vie. Mais, la peine s'arrêtera, si vous pouvez la supporter»

Grand Merci à l'auteure pour cet article.